Bien à mon travail
Question, constat ou quête? Avant de parler de bien-être, la base est déjà d’être bien à son travail.
Le contexte
A l’ère du digital, c’est le sens même du travail qui se trouve chamboulé, à l’image des profondes et rapides mutations de ces dernières décennies. En effet, si l’on remonte aux origines, le travail produit était en lien direct avec notre survivance : trouver de quoi se nourrir, se vêtir, s’abriter, etc.
Mais au fil de notre évolution, ce lien entre sa forme et son sens s’est étiolé si bien qu’il est parti à la dérive pour nombre de travailleurs…
Sur ce terrain instable, des symptômes assez révélateurs apparaissent comme la multiplication des reconversions et des changements d’entreprise au cours de sa carrière. Il n’est plus rare de connaître l’histoire d’un cadre qui s’est reconverti en agriculteur bio, exemple-type illustrant ce besoin de redonner un vrai sens et une réelle fonction à son travail.
En effet, si nous travaillons toujours pour subvenir à nos besoins, cette raison n’est plus aussi directe et exclusive. Car nous souhaitons aussi nous épanouir professionnellement. Notons d’ailleurs que la frontière entre vie personnelle et professionnelle tend à se dissoudre. Les deux espaces deviennent perméables l’un à l’autre, pour le meilleur comme pour le pire… Mais nous y reviendrons.
Alors, au vu du temps passé et de la place que notre travail prend dans nos vies, cette quête d’épanouissement paraît saine et logique.
Mais elle représente un véritable défi tant elle requiert de réunir nombre de paramètres pour y parvenir… Il est ici question de sens, de reconnaissance, de conditions de travail, de rémunération, de besoin d’appartenance, d’organisation, d’autonomie mais aussi essentiellement de qualité relationnelle.
Le constat
Alors qu’un sondage Ipsos de 2018 révèle que 54 % des français disent avoir perdu le sens de leur travail, nous sommes en droit – en devoir ? – de nous poser de saines questions.
Ce qui semble le plus répandu est une carence de sens qui se qualifie sous le terme de brown-out.
A moins que vous ne souffriez d’un ennui profond, qui vous donne la sensation de ne pas être à votre juste place ou bien suffisamment mobilisé sur vos compétences : c’est le bore-out.
Quant au burn-out, ce syndrome d’épuisement professionnel, il toucherait près de 1 personne sur 3 au cours de sa carrière selon l’enquête nationale menée par la CFDT.
Autant d’anglicismes que de malaises pouvant tous aboutir à la dépression.
Et en la matière, il semblerait qu’aucune catégorie socio-professionnelle ne se distingue nettement, pas plus qu’un domaine particulier.
Donc, que vous travailliez en tant que salarié ou employeur – d’une petite ou d’une grande entreprise -, que vous soyez indépendant, cadre, commerçant, fonctionnaire, intérimaire, libéral, agriculteur, sportif de haut niveau, artisan, artiste… les problématiques diffèrent mais le risque de saturation n’épargne personne.
Les signaux d’alerte
Un écart trop important entre vos attentes, la représentation que vous avez de votre métier (portée par vos valeurs et règles) et la réalité du travail est à l’origine d’une situation délétère. Situation qui à terme épuise, vide « émotionnellement » et conduit à remettre en cause votre investissement initial.
Dans mon cabinet, la plainte exprimée et récurrente est souvent constituée par la surcharge de travail associée à une pression en terme de délais. Tandis que le fond du malaise révèle le triste sentiment que les rapports au sein de l’entreprise sont de moins en moins humains…
Peut-être vous retrouvez-vous également dans les situations suivantes : vous vous sentez soumis à des procédures de plus en plus complexes, à de multiples contrôles à tous les stades, à une exigence accrue de la part de l’entreprise et de la clientèle, à un management implacable ou une hiérarchie distante et ressentez un défaut de reconnaissance. Réunissez plusieurs de ces éléments et c’est l’effet cocktail : le craquage menace. Il vous faut réagir.
Attention toutefois de ne pas généraliser les cas. Un réel burn-out, c’est quand votre corps ne suit plus votre tête : la déconnexion a été opérée pour assurer une sauvegarde vitale.Vous êtes K.O.
Ainsi, l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) nous rappelle les trois dimensions du burn-out :
- l’épuisement émotionnel : sentiment d’être vidé de ses ressources émotionnelles
- la dépersonnalisation ou le cynisme : insensibilité au monde environnant, déshumanisation de la relation à l’autre (les usagers, clients ou patients deviennent des objets), vision négative des autres et du travail
- le sentiment de non-accomplissement personnel au travail : sentiment de ne pas parvenir à répondre correctement aux attentes, dépréciation de ses résultats, sentiment de gâchis…
Avant d’en arriver à ce stade, il y a souvent eu une exposition à un stress professionnel chronique.
Les effets délétères
Les manifestations de l’épuisement professionnel peuvent être d’ordre :
- émotionnel : sentiment de vide, d’impuissance, perte de confiance en soi, irritabilité, pessimisme, attitude « bureaucratique »
- cognitif : difficulté de concentration, indécision, difficultés à faire des opérations simples, altération de la qualité du travail
- physique : fatigue généralisée, maux de tête, de dos, tensions musculaires, troubles du sommeil…
- interpersonnel et comportemental : repli, isolement, agressivité, impulsivité, baisse de l’empathie, attitude négative envers le travail et les autres, désengagement
Les clés personnelles
La communication est la clé majeure, comme toujours ! Avant que le malaise ne s’installe, il est essentiel de communiquer avec les différents interlocuteurs (manager, délégué du personnel ou syndical, directeur…) pour faire part de ses difficultés afin de ne pas rester enfermé dans son mal-être. En espérant trouver une écoute attentive qui mènera vers des solutions durables qui sauront satisfaire aux exigences de chacun.
Votre réflexion personnelle quant à elle devra s’orienter sur la marge de manœuvre que vous avez. Tâchez également de définir où commence et où s’arrête votre part de responsabilité dans votre problématique. Puis listez les points d’amélioration possibles avant leur mise en oeuvre. En somme, demandez-vous comment agir et réagir avant de subir. Une lucidité et un recul pas toujours évidents à adopter mais nécessaires à une démarche productive. Pour y parvenir, vous pouvez en parler avec vos proches pour récolter des avis extérieurs et faire appel à un professionnel (psychologue du travail, sophrologue, médiateur…) qui vous aidera à sortir de l’impasse. En complément, trouvez des activités qui vous apporte du bien-être et vous permettent de déconnecter du travail.
Les cartes sont entre vos mains.
Pour aller au-delà de la réflexion introspective, dans le prochain article nous interrogerons les rôles de l’entreprise, notamment son rôle sociétal. Car le monde de l’entreprise s’éveille lentement mais sûrement à des modèles plus soucieux du bien-être de tous.